La Consultation du Chat Sénior

étape 2 du Protocole Vétérinaire :
Récolter et interpréter les informations

Lors de cette consultation de médecine préventive sénior, un grand nombre d’informations doit ainsi être collecté et transmis, nécessitant un temps de consultation conséquent. Il faut identifier de manière systématique les risques de dégradation de la santé de l’animal et les signes cliniques, qui peuvent être très évocateurs pour le clinicien, mais sembler sans intérêt ou pas graves pour le propriétaire. Pour cela il faut réaliser le signalement et une anamnèse la plus exhaustive possible en questionnant sur l’environnement et les antécédents du chat âgé (habitudes alimentaires et de boisson du patient, l’activité, le comportement de jeu, les éliminations, l’attitude, le toilettage, la vision et l’ouïe).

consultation du chat senior

Une bonne compréhension des ressources, des capacités, des comportements et des croyances du propriétaire  nous permet de répondre à ses préoccupations. Il est nécessaire de s’adapter au propriétaire afin que le message délivré soit compris . L’envoi d’un questionnaire à remplir à l’avance et la vérification des objectifs du client au début de la visite facilitent cette compréhension. Poser des questions ouvertes portant sur tous les systèmes corporels permet d’obtenir plus d’informations. Les observations du client peuvent aider le vétérinaire à détecter des changements subtils. Cependant, de nombreux clients peuvent ne pas être conscients des changements graduels jusqu’à ce que nous posions des questions précises. L’implication du propriétaire dans l’évaluation d’un chat âgé est cruciale elle permet d’obtention d’une anamnèse complète, ce qui impacte l’interprétation des résultats cliniques et améliore la précision du diagnostic et des soins plus efficaces pour le chat âgé.

Qualité de vie : douleur ou comportement ?

De nombreux signes émis par le chat peuvent évoquer une atteinte algique, un vieillissement cérébral et/ou une modification du comportement liée à l’âge.

S’il est confortable de mettre des signes dans des cases, cela n’est pas forcément évident, tant ces sujets sont imbriqués et s’influencent les uns les autres. Le comportement peut modifier le sommeil, dont une dégradation baisse le seuil de la douleur, qui va altérer encore plus le sommeil….

Nous avons tenté néanmoins de vous guider pour faire le tri dans ces signes, même si, comme toujours, les généralités sont peu adaptées à la médecine féline :

  • Quand c’est probablement de la douleur:
    • Difficultés à se déplacer, à sauter, à courir, à descendre ou monter des marches
    • Difficultés à chasser des objets en mouvement
    • Signes de “décharges électriques”
    • Réaction exagérée à une stimulation non douloureuse (caresse) ou douloureuse (avec éventuellement agressivité) sur une partie du corps
    • Difficultés aux mouvements après une longue période de repos.

 

  • Quand c’est probablement du vieillissement cérébral:
    • Désorientation (perd ses repères dans la maison)
    • Vocalises excessives sans raison apparente, à n’importe quelle heure
    • Quand c’est probablement une modification comportementale
    • Tout changement de “caractère (plus anxieux, plus agressif, moins joueur) qui ne peut être en lien avec une douleur notamment.
    • Modification dans les relations avec les personnes (hors contacts) : recherche d’attention qui varie, diminution ou aggravation de la peur…
    • Modification des habitudes (lieux de repos, de replis, occupation de nouveaux endroits)

 

  • Quand un changement peut faire penser à du “médical” sur un chat en bonne santé apparente :
    • Miaulements la nuit (hypertension artérielle)
    • Irritabilité, développement de l’agressivité lors de tout contact (hyperthyroïdie, FIV)

 

  • Quand c’est compliqué de faire le tri :
    • Malpropreté : douleur si litière trop haute ou bac trop petit, calcul, infection urinaire / vieillissement cérébral si perte des habitudes/apprentissages / Comportemental si marquage urinaire
    • Modification du cycle veille/sommeil
    • Modification des relations avec les congénères : peut-être lié à la douleur lors des interactions ou changement des capacités cognitives interactives
    • Modification du comportement de toilettage : si localisée sur certaines zones : douleur. Si généralisée : comportement ou vieillissement cérébral.

La médecine narrative permet de lire dans l’animal douloureux

Selon l’ouvrage fondateur de Rita Charon (2006), la médecine narrative (MN) est une médecine exercée avec une compétence narrative permettant de reconnaître (au sens d’accueillir), d’absorber (au sens d’accompagner), d’interpréter (au sens d’éclairer) les histoires de maladie et d’être transporté (ému) par elles.

Le propriétaire est invité à exprimer (ou mieux à écrire) ce qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qu’il pense et ce qu’il craint pour son animal (Je ne veux pas qu’il souffre).

Le praticien est lui aussi invité à écouter ce propriétaire dont la parole n’est pas égotique mais dans l’échange avec un professionnel de santé qui reçoit la narration avec respect et compétence.

Le praticien est entraîné dans une série de 3 mouvements, :

  1. L’attention qui est l’attitude du soignant à se concentrer sur le récit et à en exprimer sa compréhension.
  2. La représentation qui consiste à structurer et à formaliser la richesse des informations recueillies, à en vérifier les liens avec par exemple la douleur chronique et à les conserver sur un support documentaire ou digital.
  3. L’affiliation désigne la relation nouée entre un écrivain et son lecteur, entre un narrateur et l’écoutant, entre un propriétaire d’animal douloureux et son équipe vétérinaire soignante : rendre visible l’invisible, la douleur silencieuse audible, la souffrance indicible racontable. L’Affiliation répond à la demande d’écoute du propriétaire et affiche l’empathie du praticien.

 

La MN procure un bénéfice clinique fort aux étapes évaluatives, de diagnostic et d’adhésion au projet thérapeutique.

La MN appartient au florilège des Humanités médicales dont la principale vertu est d’apporter à la médecine scientifique une approche interdisciplinaire particulièrement vertueuse dans la pédagogie médicale et l’exercice clinique.